Juan PARRA BAEZA
Candido COLOMINA
Site créé le 23/02/2013 par Jean-Marc Labarta : jmlabarta@orange.fr
Facebook : Jean-Marc Labarta et Camp de Septfonds - Tarn et Garonne. 1939 1945
Dernières publications - mises à jour :
03/07/2023 : Page "Quelque part en France" - Village templier et hospitalier de La Cavalerie (12)
07/05/2023 : Page "La culture dans le Groupement …" - Le photographe Isaac Kitrosser.
25/10/2024 Page "Le camp de Judes - Le temps de la déportation" : Samuel Ringer, père de Catherine Ringer : survivant de l' holocauste.
SUR CE SITE TOUTES LES PHOTOS S'OUVRENT AU CLIC.
SEPTFONDS
Un village du Bas-Quercy en Tarn-et-Garonne, ancienne bastide du XIIIème siècle.
Des vies, des histoires, un patrimoine riche...
© Jean-Marc labarta : ce site A BUT NON LUCRATIF est le fruit d'un travail personnel et est mis à disposition pour la lecture et l'information. Par conséquent, toute exploitation, toute utilisation de textes ou documents, toute reproduction totale ou partielle d'un texte, d'un document ou d'une photo est formellement interdit et moralement inacceptable sans autorisation préalable.
Tarn et Garonne
Depuis le 01/01/2022
Voici une photo forcement méconnue puisque tirée d’une revue américaine de 1938, achetée dernièrement.
Une scène qui semble surréaliste s’offre à nos yeux. Un homme chargé d’un enfant dévale une pente enneigée. L’arrière plan en dit long sur les conditions climatiques du moment et sur le lieu. Pourtant, l’équipement de ce groupe d’individus semble peu adapté à cet environnement hostile. Et sans ce cliché, qui pourrait croire à un récit, pourtant véridique, de la situation.
Nous sommes en avril 1938. Ce groupe qui dévale le versant Français des Pyrénées a quitté l’Espagne face à l’avancée franquiste et vient chercher refuge en France.
Le reporter-photographe légende sa photo ainsi (traduit de l' Anglais) :
« Le père et l’enfant espagnols traversent les Pyrénées enneigées, avec un petit groupe constitué de quelques civils et militaires, pour rejoindre la France. Le père a utilisé un châle fait au crochet pour envelopper son enfant, le garder le plus possible au chaud, car il est nu-pieds, sans manteau, grimaçant de froid. Ainsi va la longue et amère marche durant laquelle le risque de pneumonie était permanent avec ce froid qui glaçait jusqu’aux os » -
Ces scènes vont durer encore un an. A quel rythme ? Difficile à dire, mais en tout cas jusqu’à l’arrivée massive d’environ 500 000 espagnols fuyant le franquisme début 1939.
Auparavant, et au moins depuis ce début 1938, combien ont tenté de trouver refuge en France, par petits groupes isolés ou parfois seuls ? Nul ne le sait vraiment.
Photo : coll. personnelle. Photo LIFE - Isaac Kitrosser - 25 avril 1938.
Une nouvelle photo forcement méconnue puisque tirée d’une revue américaine de 1938, achetée dernièrement.
Un groupe de militaires en armes dévale une pente enneigée. L’arrière plan en dit long sur les conditions climatiques du moment et sur cet environnement hostile.
Nous sommes en avril 1938. Ce groupe qui dévale le versant Français des Pyrénées a quitté l’Espagne face à l’avancée franquiste et vient chercher refuge en France.
Le photographe, en reportage pour rendre compte de la situation concernant la guerre d’ Espagne auprès d’une revue américaine, légende sa photo ainsi :
« A 8000 pieds d'altitude (soit exactement 2438,4 mètres) dans les Pyrénées, passe la frontière entre l’Espagne et la France. Les réfugiés descendent dans la vallée. Ici des miliciens espagnols descendent le col de Vénasque, trouvés par des sportifs de Luchon sur ce terrain accidenté».
Traduit de l’Anglais.
Ces scènes vont durer encore un an. A quel rythme, difficile à dire, mais en tout cas jusqu’à l’arrivée massive d’environ 500 000 espagnols fuyant le franquisme début 1939. Mais auparavant, et au moins depuis ce début 1938, combien ont tenté de trouver refuge en France, par petits groupes isolés ou parfois seuls ? Nul ne le sait vraiment.
Photo : coll. personnelle.
MARS 1939 : afin de mettre à l' abri, certes tant bien que mal, 16000 réfugiés espagnols débarqués en gare de Borredon (6,5 km de Septfonds) entre le 5 et le 12 mars 1939, l’Etat Français, relayé par les services de la préfecture, a fait construire par les entreprises locales, 44 baraquements de 48 m de long sur 8 m de large. Constructions réalisées en une dizaine de jours avec l’aide partielle de certains réfugiés, suivant leurs connaissances techniques.
Photo: famille Guérin, voisine du camp (merci pour le prêt).
Le Daudou est ce ruisseau qui nait à l’est du village de Septfonds et qui le traverse d’est en ouest. C’est certainement sa présence en ce lieu qui justifie l’apparition d’une vie sociale dans les années 1100, le développement d’activités et au final l’aménagement d’un village en ses abords.
Et à l’ouest du village, avant d’aller se jeter dans la Lère, elle-même affluent de l’Aveyron, il bordait la limite sud du camp de Septfonds.
D’ après le plan du camp dressé par l’architecte du département Mr Olivier en avril 1939, une centaine de mètres du ruisseau Daudou se trouvait même à l’intérieur des clôtures de fil de fers barbelés. Sur le plan il est précisé en toutes lettres « Accès à la rivière ».
C’est là qu’a été prise cette photo, certainement au printemps ou en été 1939, comme en témoignent les arbres en feuilles. Les hommes s’affairent à la lessive et à la toilette dans un ruisseau bien asséché en cette saison. Une photo témoignage forte qui révèle encore une fois les conditions précaires de vie dans un camp.
Aujourd’hui 24 mars, de passage pour la ixième fois dans le secteur, j’ai longé le ruisseau pour remonter jusqu’au même lieu.
Quatre vingt trois ans plus tard, la végétation a repris ses droits, le ruisseau a un bon débit en cette saison, mais les souvenirs demeurent.
Le gouvernement Daladier, pressé de décongestionner les camps de réfugiés espagnols des Pyrénées-Orientales, choisit la campagne Septfontoise, pour implanter en Tarn et Garonne, un des nouveaux camps, à l’intérieur du pays.
Le 27 Février 1939, les autorités civiles et militaires du département arrêtent le choix définitif d’un vaste terrain situé à "Judes", lieu-dit de la commune de Septfonds, à un kilomètre environ du village.
Entre le 5 et le 12 mars 1939, environ 2500 espagnols arrivent chaque jour en gare de Borredon située en rase campagne et son amenés à pieds au camp de Judes situé à 6.5 km.
Les témoignages prouvent que beaucoup d’espagnols étaient arrivés bien plus tôt que le 5 mars. Rien n’était alors prêt pour les recevoir et ils furent « parqués » dans un camp provisoire au lieu dit "Le Tombal de l’Eglise", au pied de l’église de Lalande, hameau de Septfonds, à environ 500 mètres au dessus du camp de Judes.
Le camp de Judes lui-même ne s'est finalement construit qu’au fur et à mesure de l’arrivée massive des espagnols et en les mettant souvent à contribution, suivant leurs savoir-faire personnels.
Cette note récapitulative montre l’état des dépenses engagées pour l’ installation du camp de Judes à la date du 14 mars 1939. Le camp lui même ayant ouvert officiellement le 5 mars.
Document : Archives départementales 82.
Rappel :
Le gouvernement Daladier, pressé de décongestionner les camps de réfugiés espagnols des Pyrénées-Orientales, choisit la campagne Septfontoise, pour implanter en Tarn et Garonne, un des nouveaux camps, à l' intérieur du pays.
Le 27 Février 1939, les autorités civiles et militaires du département arrêtent le choix définitif d’un vaste terrain situé à "Lalande" et à "Judes", deux lieux-dits de la commune de Septfonds, à un kilomètre du village.
Entre le 5 et le 12 mars 1939, environ 2500 espagnols arrivent chaque jour en gare de Borredon située en rase campagne et son amenés à pieds au camp de Judes situé à 6.5 km.
La capacité maximale d' accueil a été rapidement atteinte comme en témoigne ce document d'époque: 15.970 hommes au plus fort de la concentration.
Alors pourquoi parle t'on de 30.000 hommes au camp ?
En fait, il ne faut pas confondre "capacité maximale d' accueil" et "nombre total de personnes passées à un moment donné par ce camp." Car effectivement, durant toute la période de la présence espagnole à Judes, on peut sans doute évaluer à ces 25.000 à 30.000 le nombre de personnes qui sont passées à un moment donné par ce camp pour des durées variables.
Document : Archives départementales 82.
Ainsi a débuté fin février 1939, l'histoire du camp de Septfonds. Une histoire qui se terminera en 1945... mais dont on parlera encore longtemps, souhaitons le.
Le gouvernement Daladier, pressé de décongestionner les camps de réfugiés espagnols des Pyrénées-Orientales, choisit la campagne Septfontoise, pour implanter en Tarn et Garonne, un des nouveaux camps, à l' intérieur du pays.
Le 27 Février 1939, les autorités civiles et militaires du département arrêtent le choix définitif d’un vaste terrain situé à "Lalande" et à "Judes", deux lieux-dits de la commune de Septfonds, à un kilomètre du village.
Sources : Archives départementales 82.
La question est souvent posée quant à l'origine du nom du Camp de Septfonds, car tantôt nous parlons de « Camp de Judes », tantôt de « Camp de Septfonds »... ou « Camp de Lalande ». Nous parlons également de « deux camps »… avec des appellations différentes.
Bref, de quoi s’y perdre. Alors, qu'en est-il au juste ?
Tout d' abord, disons que le camp se trouve sur la commune de Septfonds, au nord du village. Et comme dans toute commune, il y a des hameaux et des lieux-dits. « Lalande » est un hameau de la commune de Septfonds avec une vingtaine de maisons d’habitations, une église qui lui est propre avec son presbytère attenant et un cimetière collé à son côté gauche.
Tout autour, ce ne sont que champs, prairies et petits bois désignés par des noms dont l’appellation était déjà connue sur le plan Napoléonien, institué par une loi impériale de 1807. Pour le nom de « Judes », ne cherchons donc pas un quelconque lien avec l’histoire du camp, notamment l’enfermement de juifs comme on pourrait le penser. Ce nom de « Judes » existait déjà sur le plan Napoléonien, probablement le nom, le prénom ou le surnom d' un habitant du lieu. C’était un lieu-dit, avec une ferme isolée et une terre agricole exploitée tout autour.
L’église du hameau de Lalande est située sur un point haut. Pour ainsi dire "à ses pieds", un immense champ descend en pente douce. Il porte les noms de « Pièce Rouge » pour une partie et « Le Tombal de l’Eglise » pour l’autre. C’est ici, en ce lieu, que se situait le « camp provisoire », celui qui a vu arriver les premiers espagnols, alors que rien n’existait jusque là. Des témoignages donnent des explications sur les conditions de survie en ce triste lieu durant les premiers jours, les premières semaines.
A 500 mètres de là environ, au sud-ouest de ce camp provisoire, se trouve le lieu-dit « Judes ». C’est là que s’est progressivement construit le camp définitif : le « Camp de Judes ».
En résumé, à Septfonds, il y eut un camp « provisoire » (en fait un simple champ aux pieds de l’église du hameau de Lalande), en attendant que le camp « définitif » au lieu dit « Judes » ne soit construit. Le versement d’un camp à l’autre s’est fait au fur et à mesure que les baraques étaient construites dans le nouveau camp.
Enfin, précisons une bonne fois pour toute que "Judes" s'écrit avec un "s" à la fin (Cf : plan Napoléonien).
JML
NB : Le montage ci-joint réalisé ce jour à partir d’une capture d’écran de Google Map, permet de visualiser les divers emplacements.
L’épisode de froid de ces jours-ci est encore une occasion de se rappeler des conditions hivernales dans lesquelles beaucoup d'espagnoles et d’espagnols de la Retirada, civils, militaires, jeunes et vieux, avaient franchi les Pyrénées en ces premiers mois de 1939, dans le froid, le vent glacial ou la neige, pour tenter de trouver refuge en France.
Au final, un « refuge » dans des camps montés à la hâte, un « hébergement » dans des baraques telles que celle-ci.
La neige est belle quand on est au chaud chez soi ...
Photo : JML ( Mémorial du Camp de Judes -Hiver 2010)
Mon nième passage hier devant le Mémorial du camp de Judes à Septfonds me rappelle un autre souvenir… encore un… !
- "Il faut y mettre le numéro 34 !!!" , me lança Joachim Prades, visiblement bien déterminé à me convaincre.
Nous étions en juillet 2008 et le chantier de reconstruction à l’identique d’un baraquement en bois et tôle sur le site du Mémorial du Camp de Judes (je dis bien du Mémorial), touchait à sa fin. Ce chantier avait été réalisé en partenariat avec l’Association CITRUS (la délégation régionale en Occitanie de Solidarités Jeunesses) et l’OFAJ (Office Franco Allemand de la Jeunesse).
Bien évidemment, les anciens du camp avaient été sollicités pour amener leur vécu. Ainsi, Candido Colomina de Moissac, Juan Carraux de Caussade, Mariano Marcos de Montauban, et Joachim Prades de Caussade, tous apportèrent leur part de souvenirs et amenèrent leur contribution au projet, leur planche à l’édifice.
- Pourquoi « 34 » ?, répondis-je, tout surpris de cette demande, à Joachim Prades qui me regardait fixement, attendant une réponse qui se devait d’être favorable.
- Parce que j’y étais !!! J’étais dans la baraque 34 !!! On disait « la baraque des galeux » ! On y mettait tous ceux qui avaient attrapé la gale.
La gale, une maladie parmi tant d’autres dans ce camp. Une affection contagieuse de la peau, qui se transmet le plus souvent par contact humain direct. Imaginez, 16 000 individus concentrés dans un espace aussi restreint...
Ce sera donc la baraque 34…
Vous qui passerez au Mémorial du Camp de Judes, souvenez vous de la signification de ce numéro.
Photo : JML (05/01/2021) - Samsung A5 - 16:9.
Il faisait « bon frais » cet après-midi lors de mon passage devant le baraquement reconstruit du Mémorial du camp de Judes à Septfonds. La première visite de l' année.
Mais pas de quoi se plaindre lorsqu’on pense que c’est dans des conditions pareilles, voir pire, que les espagnols de la Retirada ont été reçus sur nos terres Septfontoises, début 1939. Et pour les premiers, même pas un abri. Juste un champ sans aucun aménagement.
Un jour de juin 2004, alors que nous étions tous les deux devant ce champ, Candido Colomina me dit :
« Quand je suis arrivé là, il n’y avait rien, ni personne. Pour les premières nuits, nous avons creusé des trous dans le sol et nous dormions à trois, blottis les uns contre les autres pour avoir plus chaud. Pour nous abriter, on plantait quatre bâtons dans la terre pour tendre une couverture au dessus de nous. ».
Aujourd’hui, en passant pour la nième fois devant ce champ et avec ce froid, ce souvenir me revient. Candido Colomina connaitra ces baraquements quelques jours..., quelques semaines plus tard. Du mieux dans les conditions de survie…
Il s’en est sorti.
Par la suite, il a passé toute sa vie, avec sa famille, à Moissac, mais n’était jamais revenu ici avant 2004…
Photo JML (05/01/2022) - Samsung S21 - 16:9.
S’est-on déjà posé la question « comment nourrissait-on 16 000 hommes dans un camp monté à la hâte pour recevoir autant de réfugiés espagnols ? ».
Bien sûr, on parle plus généralement « des conditions déplorables » dans lesquelles ce soit disant « accueil » a été réalisé. Suffisamment de témoignages convergents attestent de la véracité de ces conditions qui ne sauraient être contestées.
Mais, imagine-t-on ce que cela peut être que d’avoir à recevoir en quelques jours 16 000 « convives » qu’il faut bien nourrir pour une durée dont le terme est inconnu. Cela demande tout de même une organisation, qui, vu l’urgence et le manque de temps pour mettre en place une intendance correcte, a eu au moins le mérite d’être pensée au préalable. Mais avait-on idée à l’avance de l’ampleur de la tâche qui n’a certainement pas permis une réactivité et une anticipation suffisantes ? Le constat de cette organisation défaillante nous est rendu maintenant dans les témoignages que laissent les derniers acteurs de cette période de l’histoire de notre pays.
Les archives, quant à elles, ont laissé des écrits qui prouvent tout de même que, même si elles ont été débordées, les autorités ont essayé de mettre en place cette organisation, pour certaines choses avec anticipation, pour d’autres avec un temps de retard.
Un plan dressé par l’architecte du département, Mr Olivier, détaille le projet de cuisines. Et sur un plan général du camp, il est dessiné 6 baraques identiques destinées à accueillir ces cuisines disposées 3 et 3 de part et d’autre d’une petite allée. Il s’agit de baraques de 36 mètres de long sur 5 mètres de large, en grande partie aérées pour permettre une bonne évacuation des vapeurs. Sans porte, avec un bandeau circulaire resté ouvert sur 1 mètre 50 de hauteur à partir de 1 mètre 10 du sol. Cette hauteur de 1 mètre 10 étant la hauteur des tables de cuisson.
Devant l’arrivée programmée des premiers wagons de réfugiés à raison de 2500 hommes par jour à partir du dimanche 5 mars 1939 en gare de Borredon, le service de l’intendance précise dans un rapport que « le camp devait (sic) être prêt à fonctionner le samedi 4 mars. Mais ce service n’a été averti officiellement que le 27 février de la création d’un camp de 15 000 hommes (en réalité le nombre a rapidement atteint 16 000 au plus fort de la concentration). Rien n’existait avant cette date et tout était à créer et à organiser. Difficile donc de tenir les délais.
Il a donc fallu, à la hâte, tout d’abord réunir le matériel de cuisine indispensable pour faire vivre le camp, passer les marchés et assurer la nourriture de ces hommes. Ainsi, des marchés ont été passés pour la fourniture de la nourriture et voici ce que représentait en denrées essentielles un ravitaillement journalier de 15 000 hommes d’après des taux de base arrêtés par les autorités : viande : 3000 kg - pain : 9000 kg - légumes secs : 2250 kg - sel : 300 kg - graisse végétale : 450 kg - café : 250 kg - bois 7500 kg - savon : 250 kg.
Pour varier la nourriture, il avait été prévu un jour de poisson ou de morue par semaine en remplacement de la viande. La consommation des légumes devait être répartie ainsi par semaine : 2 jours de pâtes, 1 jour de riz, 1 jour de haricots, 2 jours de lentilles ou de pois cassés, 1 jour de pomme de terre.
Selon le service d’intendance, la viande (3000 kg par jour) était « une viande de 2ème qualité courante, saine, loyale, bien préparée, exempte de toute altération et provenant d’animaux inspectés après abattage ». Il y avait certainement une volonté de fournir des aliments de relative bonne qualité afin d’éviter autant que possible toute maladie, due à une alimentation malsaine, qui aurait pu rapidement transformer le camp en foyer épidémique compte tenu du nombre d’hommes concentrés sur un aussi petit périmètre.
Le pain quant à lui (9000 kg par jour) était fourni, pour 5000 kg par le service de l’intendance et pour 4000 kg par les boulangers locaux (Septfonds, Caussade, Montauban).
Pour assurer ce service, il avait été créé dans Septfonds une annexe du service des subsistances, avec un officier gérant, aidé de quelques gradés et soldats. Et pour parer à toute éventualité, le rapport précise que cette annexe disposait d' une avance de 5 jours de vivres.
Bien sûr, un rapport se veut souvent plus optimiste que ne l’est la réalité et il faut toujours le prendre avec des réserves. Toutefois, il n’est pas, non plus, à rejeter dans sa totalité.
Texte : JML (29/12/2021)
Sources documentaires : AD Montauban - T&G. ADTG 11J109-347. Transmis par Carole Stadnicki (Pays Midi Quercy).
C'est une question pratique que l'on aborde très rarement. Et pourtant, on peut légitimement se poser des questions sur la gestion des déchets en tous genres dans un camp de 16 000 personnes, concentrées dans un périmètre restreint, comme ce fut le cas à Septfonds et sur une durée de plusieurs années.
Le pic de densité de population fut atteint très rapidement durant les premières semaines. Mais au fil des mois, les nombreux départs dans les CTE (Compagnies de Travailleurs Etrangers) firent baisser le nombre d’individus présents, sans que les entrées suite à des mouvements d’un camp extérieur vers Septfonds, ne les compensent en totalité.
Il n’empêche que, pour éviter l’accumulation des déchets, mais aussi pour des questions d'hygiène, il fallait bien tout de suite mettre en place une organisation pour que ces déchets disparaissent régulièrement et au plus vite.
Pour avoir une idée de ce que représente l’importance de la gestion des déchets, il faut savoir que la Communauté de communes du Quercy Caussadais (celle à laquelle appartient Septfonds) a collecté en 2020, plus de 5173 tonnes (soit 250 kg/hab/an) d’ordures ménagères pour une population totale de 20 279 habitants en 2018. Certes en 1939, et qui plus est dans un camp, les déchets ne représentaient certainement pas de telles quantités, mais il ne faut pas oublier, répétons-le, que les 16 000 étaient concentrés sur un terrain de seulement 2 hectares et demi environ.
Alors, pour faire face à ce problème que représentaient les déchets, il avait été prévu l'installation de fours incinérateurs. Peu de témoignages, peu de documents font état de ses appareils, pourtant indispensables dans de tels camps. On peut alors évidemment se poser la question... ont-ils été installés, tous ou partiellement... Il faudra peut-être dorénavant poser cette question lors de collectes de témoignages.
A Septfonds, un plan général prouve que 4 fours incinérateurs, répartis quasiment aux 4 coins du camp, proches des clôtures de fil de fer barbelé, avaient été prévus.
Des fours incinérateurs, qui, selon le plan réalisé par l’architecte du département, Mr Olivier, étaient de forme circulaire, posés sur des semelles carrées de 2,60 mètres X 2,60 mètres de côtés et 30 centimètres d’épaisseur. Ils avaient une hauteur de 2,50 mètres pour un diamètre extérieur de 1,92 mètre et de 1 mètre en intérieur.
Ces 4 fours incinérateurs permettaient donc de traiter un maximum de déchets quotidiens par combustion.
Texte : JML.
Sources documentaires : AD Montauban - T&G. ADTG 11J109-347. Transmis par Carole Stadnicki (Pays Midi Quercy).
Ce plan d’un baraquement a été dressé et signé par l’architecte du département, Mr Olivier, le 3 mars 1939. Cette date prouve bien qu’à l’arrivée des premiers convois d’espagnols en gare de Borredon le 5 mars (soit deux jours après), l’hébergement, même minimal, des réfugiés n’en était qu’au stade de commencement des travaux de construction puisque le 6 mars seulement 8 baraquements étaient dressés et 10 au soir du 7 mars.
Dans un rapport, Il est fait état de 41 baraques au total, prévues pour héberger les réfugiés, sans compter des baraques spécifiques : cuisines, infirmerie, douches, réfectoire pour les internés, cantonnement pour les gardes mobiles, réfectoire pour les hommes de troupe, hangar pour la distribution, baraquement pour l'identification, bureaux administratifs (secrétariat. poste, parloir, prison.).
Nombreux sont les témoignages parlant du camp provisoire, et d’ailleurs, un autre plan général du secteur établi par ce même architecte Mr Olivier, délimite bien un « camp provisoire », à environ 500 mètres du camp « définitif », aux pieds de l’église du hameau de Lalande.
Mr Olivier se voit chargé de la réalisation du plan d'ensemble, en collaboration avec le capitaine du génie Castéla. Ils passent aussitôt une première commande de trente baraques aux entreprises Delmas de Caussade et Briguiboul de Montauban.
Le plan atteste également du fait que les baraques n’étaient, à l’origine, fermées que sur 3 faces. Chaque baraque pouvait abriter 360 réfugiés, soit 12 travées de 30 hommes. A ce sujet, Juan Carraux m’avait dit un jour : « … nous dormions tous sur le même côté, faute de place. Et lorsque nous voulions nous retourner, quelqu’un donnait le signal et nous nous tournions tous ensemble dans un même mouvement ».
Concernant les dimensions, les baraques faisaient 48 mètres de long sur 7 mètres de large. Quant à la hauteur, elle était de 4 mètres 60 au plus haut du toit qui était à double pente. Une charpente traditionnelle avec faitage, pannes, sablières et moises était recouverte de tôles ondulées galvanisées.
Actuellement, la baraque reconstruite au Mémorial du camp respecte les matériaux et les dimensions d'origine, excepté pour la longueur. En effet, pour une question de place, elle a été réduite à 12 mètres soit une longueur de 1/4 des baraques de l'époque. Il faut donc imaginer, lors d'une visite sur le lieu, que l'on devrait, proportionnellement, y faire dormir 90 personnes, ce qui donne une idée du peu de place réservé à chacun.
Quant aux murs, ils étaient plaqués de volige en pin des Landes posée à recouvrement.
Les hommes qui se trouvaient contre ce quatrième côté ouvert n’étaient guère abrités. Aussi, compte tenu des conditions climatiques rugueuses en cette fin d’hiver 1939, des murs de fortune furent construits par les réfugiés eux-mêmes pour tenter de fermer tant bien que mal ce quatrième côté. On parle de murets faits avec de la boue mélangée à de la paille. En fait tout ce qui pouvait être trouvé était utilisé.
Plus tard, à l’approche du nouvel hiver arrivant fin 1939, des améliorations furent proposées : voligeage vertical sur 2 mètres de hauteur pour fermer le quatrième côté et construction de bat-flancs qui permettraient de superposer les couchettes et de desserrer les réfugiés en les abritant de façon meilleure.
Orientation des baraquements et surveillance.
Sur le terrain, nous constatons que la façade « ouverte » était tournée vers le sud-est. Le terrain étant quasiment plat dans cette zone, il est fort peu probable que l’écoulement des eaux ait été un élément déterminant dans l’orientation choisie. En revanche, le camp se situe dans une zone non protégée par du relief, des forêts ou bois, ou tout autre obstacle naturel. De ce fait, exposé au vent de nord-ouest réputé depuis toujours à Septfonds pour être très vif et parfois violent, surtout dans cette zone, l’orientation des baraquements avait peut-être été choisie de façon à tourner le dos à ce vent froid notamment en période d’hiver. De plus le côté ouvert était le plus exposé au soleil tout au long de la journée.
Mais le raisonnement a-t-il été poussé aussi loin … ?
Ce qui est certain, c’est qu’avec un côté grand ouvert, la surveillance devenait beaucoup plus aisée. Les témoignages recueillis évoquent régulièrement cette question de la surveillance. Pour l’autorité, la promiscuité pouvant être une source de conflits, toute agitation trop suspecte pouvait ainsi être rapidement maîtrisée, de même pour tout début de rébellion. N’oublions pas également que certains réfugiés étaient considérés comme « dangereux » au sens large et pour diverses raisons. Par exemple, fichés comme meneurs politiques ou syndicaux, ils pouvaient reprendre clandestinement leurs activités en territoire français, ce qui représentait un danger aux yeux de nos dirigeants militaires et politiques de l'époque.
Mais l’un n’a pas toujours empêché l’autre...
Texte : JML.
Sources documentaires : archives départementales Montauban - T&G. Transmis par Carole Stadnicki (Pays Midi Quercy).
TOUSSAINT AU CIMETIÈRE DES ESPAGNOLS
-----------------------------------------------------------------
1er Novembre 2001. Il y a 20 ans.
Un temps de circonstance pour cette Toussaint avec son lot de crachin qui vous transperce les os. Vers 17h, avant la tombée de la nuit je quittais mon domicile pour rendre une visite rapide au cimetière des Espagnols. Un rituel depuis quelques années déjà, histoire de rappeler à tous ces hommes enterrés là qu’ils ne sont pas oubliés en ce jour. Mais quelques fleurs déposées ça et là témoignent que d’autres visites ont lieu pour la circonstance.
J’ai toujours aimé me retrouver dans ce lieu. Il murmure. Il vibre. Vent, pluie l’hiver. Cigales et grillons par les chaleurs estivales. Crissement du gravier sous les pieds. Et puis ce silence pesant qui vous parle, qui vous interpelle. J’aime m’y retrouver, mais seul, loin du rituel métronomique des cérémonies officielles à l’émotion de circonstance. Mais c’est ainsi et il faut aussi respecter l’officiel pour le souvenir qu’il perpétue.
Cette Toussaint là fut particulière. Une voiture était déjà garée devant l’entrée du cimetière, ce qui attisa forcement ma curiosité. Malgré la fine bruine, je remontais tout doucement l’allée et très vite, au fur et à mesure de ma montée, j’aperçu une tête, puis un buste, puis tout un corps immobile dans un long imperméable au col relevé jusqu’ aux oreilles. Seul un crâne presque chauve dépassait. Ce corps longiligne et détrempé était figé face à une tombe que je connaissais bien, la tombe 81, dernière tombe du dernier espagnol enterré dans ce cimetière de Septfonds, celle de Luis Carraux Ruiz, décédé à l’âge de 58 ans, le 24 novembre 1941.
L’homme ne bougeait pas. Imperturbable. Impressionnant. Une vision presque surréaliste. Il resta ainsi de longues minutes, tête nue, ruisselant sous cette pluie fine. Je restais à distance, respectant son recueillement et continuait ma visite tout en ayant un œil sur ce mystérieux personnage. Puis je le vis se baisser pour réajuster un pot de chrysanthèmes que j’avais à peine remarqué. Il tourna la tête vers moi et j’en profitais pour lui lancer un « bonjour » tout en m’approchant de lui. Je me présentais à lui et lui expliquais en quelques mots ma présence ici. Un grand sourire illumina son visage et il posa, à ma grande stupéfaction, sa main sur mon épaule…
- « Le fils de René ! Oh ! Je te connais même si tu ne me connais pas. Avec ton père, nous avons fait l’école de musique de Caussade ensemble et nous avons joué un peu ensemble. Lui à la trompette et moi au saxo ».
En une fraction de seconde je n’étais plus en face d’un inconnu car j’avais maintes fois entendu ce nom dans le cercle familial. Il m’expliqua qu’il venait ici sur la tombe de son père et qu’il y venait souvent….
Ainsi se passa ma première rencontre avec le basque Juan Carraux. Il y a, dans la vie, des rencontres qui doivent avoir lieu. C’est inexplicable. Le jour et l’heure semblent programmés et nous ne pouvons rien contre cela, ni l’expliquer. C’est ainsi.
L’année suivante, Juan Carraux était officiellement invité aux cérémonies du cimetière des espagnols. Il n’en manqua pas une… jusqu’ à sa mort…
Photo JML - Juan Carraux - Cérémonie au cimetière des espagnols en mai 2004.
Ce plan du camp de Septfonds, dit camp de Judes, dessiné par l'architecte du département Olivier le 25 avril 1939, soit près de 2 mois après l’ouverture officielle du camp, donne, entre autre, une idée précise de l’emplacement des baraquements.
Dans les témoignages recueillis ou lus, j’ai pu constater que les espagnols réfugiés et enfermés dans ce camp citent souvent le n° de la baraque dans laquelle ils ont été affectés. En effet, beaucoup n’ont jamais oublié ce numéro écrit à la peinture noire sur ces abris de fortune.
Je précise également que la baraque 55 porte sur une esquisse d'un autre plan du 20 avril 1939 la mention "mutilés".
J’espère que la diffusion de ce plan permettra aux familles détentrices de ces témoignages de visualiser et de situer un peu plus le lieu dans lequel leur père, leur grand père ou, peut-être maintenant arrière grand père, se trouvait…
Sources :
Archives départementales du Tarn et Garonne – Montauban.
LA MÉMOIRE VIVANTE DU CAMP DE SEPTFONDS NOUS A QUITTÉ
-----------------------------------------------------------------------------------------------
Il se disait le plus jeune du camp de Septfonds parce qu’il avait 14 ans lorsqu’il se retrouva enfermé un temps dans ce lieu, perdu loin de ses terres Aragonaises. L’homme de Valderrobres, provincia de Teruel, parlait souvent, avec fierté et nostalgie, de sa terre natale.
Malgré une jeunesse bouleversée par cette guerre qui l’amena à passer les Pyrénées pour trouver refuge dans un pays inconnu, il aura finalement passé sa vie à quelques kilomètres de ce camp cerclé de barbelés qu’il garda en mémoire jusqu’à son dernier souffle. Une vie qui se fit physiquement à Caussade, mais moralement qui fut partagée entre sa ville d’adoption et sa ville natale, Valderrobres.
Il aura fallu attendre le début des années 2000 pour que, de simple spectateur aux cérémonies du 8 mai à Septfonds, il trouve sa juste place, celle qu’il aurait toujours dû avoir avec ses autres compatriotes, José Monclus, Candido Colomina, Juan Carraux, Mariano Marcos : au premier rang et avec tout le respect dû à leur parcours de vie.
Il était le dernier de ce groupe d’anciens du camp qui avaient pris l’habitude de se retrouver, au moins une fois dans l’année, pour témoigner encore et encore de cette jeunesse volée par le franquisme.
Un à un, ils s’en sont allés.
En 2007, au Mémorial du camp, lors de la construction du baraquement, il était présent avec son ami Juan Carraux, tous deux fiers de donner des conseils et de parler encore et toujours de leurs conditions de vie dans ce lieu, soixante huit ans plus tôt. Ils plaisantaient, heureux de participer à cet événement, malgré, certainement, beaucoup d’émotion retenue. Mais ça, ils n’en parleront jamais. A un moment, Juan venait d’avoir une bonne idée sur un détail. Joachim lui dit en plaisantant : « c’est bien, tu auras une médaille ! ». Aussitôt Juan, pensant à tous ces compatriotes, répondit : « Non ! On la mérite tous ! » Et Joachim de conclure : « Oui ! Tu as raison… on la mérite tous… ».
Joaquim Prades, dernier vivant de ce groupe, nous quitte. Il aura tenu jusqu’au bout son rôle de témoin, au nom de tous les siens disparus. Maintenant, pour nous, le plus dur reste à faire pour que leur histoire reste dans les mémoires. Et c’est un travail quotidien pour qu’elle ne tombe pas dans l’oubli.
Courage à toute la famille. Nombreux sont ceux qui s'associent à votre chagrin.
A toi Joachim, nous disons un dernier adieu.
Texte : JML (17/06/2021).
Photo : JML - 2004 - Cimetière des Espagnols - De gauche à droite : José Monclus, Joachim Prades, Mariano Marcos, Juan Carraux, Candido Colomina.